C’est parti pour 2 semaines d’expé au fond la vallée du Langtang. Tout ça nécessitant pas mal de matériel (tentes, crampons, piolets, etc…) on est passé par une agence à Katmandou pour organiser le portage et la logistique au camp de base. C’est donc accompagné de Kantcha Lama (le cuistot) et de Purna et Netreman (2 porteurs) que nous rejoignons le camp de base en 2 jours depuis Kianjin Gompa. Le camp est installé dans la neige à 4600m. C’est tout confort : une tente mess qui sert de cuisine et de salle à manger et pour dormir on est 2 dans une tente 3 places ! La vue sur notre objectif, le Gurkarpo Ri, depuis le camp de base est magnifique. Ça fait même oublier à Eve ses maux de cranes de la nuit !
| Traversée de rivière pendant la montée au Camp de Base |
| L'équipe au complet dans la tente mess |
| Gurkarpo Ri depuis le Camp de Base |
Après une journée de repos et de préparation des sacs au Camp de Base, on part tous les 4 pour une durée indéterminée vers de plus hautes altitudes. L’idée est de monter progressivement pour limiter le risque de MAM (Mal Aigu de Montagnes). De toutes façons, les sacs pèsent une tonne et on ne pourrait pas faire bien plus. On part en effet avec de la nourriture pour 7 jours en plus du matériel d’alpinisme, des tentes, duvets, réchauds… Mais le moral est bon et on atteint le Camp 1 à 4900m après une demi-journée de marche. La traversée de la moraine s’est plutôt bien passée, par contre on a bien brassé les 2 dernières heures. On installe le camp sous l’imposante Face Nord du Langshisa Ri, en rive droite du glacier. On est à l’ombre et on ne quitte pas les tentes de la fin de journée. Les activités tournent autour de l’alimentation : on fait fondre de la neige pour les thermos, puis pour faire la soupe et les pâtes. Après une nuit sans repos ni répit, Eve et Pyt décident de ne pas continuer vers le haut. Ils avaient déjà réfléchi à un programme alternatif : ce sera donc 2 semaines de trek à grande vitesse pour eux deux. Encore des au revoir, l’équipe est maintenant réduite à sa dimension élémentaire : la cordée !
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| Emplacement des camps vus depuis le Camp de Base |
| Eve et Pyt dans la montée au Camp 1 |
La 2eme journée se déroule intégralement à l’ombre de la Face Nord du Langshisa Ri. Mais nous n’avons pas froid pour autant. La trace dans 20 à 50cm de poudreuse sous une croûte aléatoirement portante se charge de nous réchauffer. La journée est très longue et on met 8 heures pour arriver au col à 5500m, soit seulement 600m de dénivelé positif. On a juste le temps de monter la tente avant la nuit. Un petit échange au talkie avec Eve et Pyt au camp de base nous rassure : ils sont rentrés sans problème, tout le monde va bien et ils ont plein de projets pour la suite. Routine habituelle au Camp 2 : se mettre au chaud dans les duvets, faire fondre de la neige, boire, manger, puis lecture et dodo. Pas de soucis avec l’altitude pour nous 2, les nuits sont agitées, mais longues, donc on se repose bien. En se couchant on a pris la décision de rester au Camp 2 le lendemain après cette journée harassante.
| Activité principale : faire de l'eau ! |
Mais au lever, on se dit que c’est bête de « perdre » une journée et qu’on est assez en forme pour aller au Camp 3 directement. On plie le camp, on laisse quelques vivres sur place pour le retour et on commence la traversée de la gigantesque selle neigeuse qui sépare le Langshisa Ri et le Gurkarpo Ri. Je me traine lamentablement sous mon sac de 20kgs. La trace est trop fatigante et après 1h30 je craque. Je pose le sac, le moral est au plus bas et le sommet s’éloigne dans ma tête. Si les conditions de neige sont comme ça tout le long, c’est sûr on n’y arrivera pas. Rico propose de laisser les sacs là et d’aller voir au pied du couloir qui mène au Camp 3 si ça s’améliore. Brillante idée : la trace sans sac est bien plus facile et surtout la neige est dure dans le couloir ! Le moral remonte et on décide de faire un camp intermédiaire au pied du couloir. Ce changement de programme nous oblige à aller rechercher de la nourriture et du gaz au camp 2. Je fais l’aller-retour facilement dans la trace pendant que Rico installe le Camp 2 bis à 5600m. J’ai la mauvaise surprise de trouver les sacs éventrés au Camp 2 et la moitié des vivres emportée par des choucas… On avait un peu de marge, ça devrait passer quand même.
| La trace sur la selle neigeuse entre le Camp 2 et le Camp 2 bis |
| Rico au Camp 2 bis, 5600m |
Le 3eme jour sera le plus « cool » de toute l’expé. Comme d’habitude on attend que le soleil touche la tente, on mange le ptit-déj’, on fait sécher les duvets humides de la condensation de la nuit avant de faire les sacs. La trace jusqu’au couloir est faite et le couloir ne nous déçoit pas : une pente entre 35 et 45° sur une neige portante. C’est super beau et j’en oublie le poids du sac. 2 heures plus tard nous sommes sur le plateau à 5900m et nous installons le Camp 3 stratégiquement pour avoir le soleil pas trop tard le matin. Je profite de l’après-midi pour faire la trace sans sac jusqu’à la rimaye au pied de la face de 300m qui nous sépare du Camp 4. Toujours pas de problème avec l’altitude, à part quelques rêves entre 2 moments d’éveils. Il y a des gens dans nos duvets qui nous donnent des conseils : « tu devrais enlever ton pantalon, tu vas avoir trop chaud » puis « rentre tes chaussons dans ton duvet, ils vont être gelés demain » … rien de grave mais ça fait bizarre. Le plus drôle c’est qu’on a tous les 2 à peu près les mêmes discussions avec nos copains imaginaires. Sinon le moral est bon, la pente sous le camp 4 a l’air bonne, même si ça semble de redresser franchement sur les 50 derniers mètres. La météo est toujours au beau fixe, le baromètre au top !
| Le Camp 3 (5900m), depuis la rimaye |
Jour 4, on s’allège encore de quelques vivres et poubelles qu’on laisse à la rimaye. On reprendra tout ça au retour. On laisse aussi les bâtons et on sort le 2eme piolet du sac. La rimaye passe sans problème et les 2 premiers tiers de la face sont avalés rapidement (enfin autant que la rareté de l’oxygène nous le permet). On est en plein soleil, il n’y a pas de vent, la neige porte bien. La pente oscille entre 45 et 50° je pense. Je fais mon 1er relais 100m sous le sommet de la pente. Je ne veux pas faire la dernière partie corde tendue : ça se redresse et je ne sais pas comment sera la neige sur ce bourrelet neigeux. On sort les 60m de corde et je mets des points quand je peux (1 pieu à neige et 1 broche). Je sors tout juste sur le plateau dans une neige inconsistante quand Rico arrive à mon dernier point. Finalement ça passait bien mais les derniers mètres étaient quand même une espèce de meringue improtégeable : on ne passera pas par ici à la descente. Le Camp 4 est installé à 6200m le plus loin de la face possible, toujours pour essayer de capter les rayons du soleil le plus tôt possible le matin. Si tout va bien on arrive au sommet demain puis on dort à nouveau au Camp 4. L’eau est de plus en plus longue à faire. A cette altitude, il nous faut 35 à 40 minutes pour faire 80cl d’eau… ça occupe ! La nuit sera très fraiche (-19°C dans la tente) mais on est bien équipé et on se repose bien quand même.
| Dans la pente entre Camps 3 et 4, on voit le bourrelet qui se redresse au sommet |
| Rico au-dessus de la rimaye |
| Vue plongeante dans le dernier tiers |
Le réveil est dur. Le soleil tarde à arriver sur la tente.
On prend le petit-déjeuner dans l’ombre et on s’équipe dans le froid. A 9h on
décide de partir avant que le soleil n’arrive. Mais il fait trop froid et on
attend quand même le soleil à la rimaye. Départ 10h de la rimaye. La neige est
toujours bonne et les 400 premiers mètres de dénivelé se font bien même si on
souffle de plus en plus. A partir de 6600m, le vent se lève et on commence à
avoir très froid. On a toutes nos épaisseurs sur nous, mais les pauses se font
de plus en plus rares pour ne pas nous refroidir. Rico a très froid aux mains
et a du mal à se réchauffer. C’est la course en avant et on cherche
désespérément un endroit abrité de ce satané vent. Finalement on trouvera cet
abri partiel à 15h sous la corniche sommitale, à 6850m. On n’a pas fait de
vraie pause de toute la face, on boit un thé, on mange un peu, puis on ne pense
qu’à une chose : descendre le plus vite possible pour avoir moins
froid ! On n’ira même pas au « vrai » sommet, le jeu n’en vaut
pas la chandelle.
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| Notre itinéraire vu depuis le Camp 2 |
La descente se fera entièrement en désescalade, avec 3m de corde entre nous 2. Ça va vite et à 17h30 on arrive à la tente avec le crépuscule. Les couleurs à l’horizon sont superbes, on est heureux d’être là. Même si on n’a pas pu profiter du sommet et de la vue comme on l’aurait voulu, je suis bien content d’être arrivé là-haut. Tout s’est bien passé et malgré le froid on est arrivé à l’antécime rocheuse du sommet. On se couche bien fatigué vers 19h... Rico me réveille vers 23h : il a mal au petit doigt de la main gauche qui est enflé. On regarde ensemble et j’appelle tout de suite Patrick avec le téléphone satellite pour avoir son avis et savoir s’il peut appeler Dominique (médecin spécialiste de la haute altitude). Patrick me rappelle 10 minutes plus tard. Le diagnostic est plutôt rassurant. Rico met son doigt au chaud et la nuit se poursuit sans encombre.
| Retour au Camp 4..... |
| Fatigués, mais heureux ! |
J’ai réfléchis pendant la nuit et je décide de descendre vers le Camp 3 en passant entre les séracs, plus au nord que là où nous sommes passés à l’aller. Ça me permettra de poser des relais et je pourrai mouliner Rico dans les parties raides, ce qui lui évitera de se servir de ses mains. La stratégie s’avère bonne même si ça m’oblige à désescalader des portions assez raides. On est vite au Camp 3, on récupère les affaires laissées et on file vers le bas. Il nous reste juste ce qu’il faut pour manger ce soir au Camp 2 à 5500m. Ce sera la pire nuit pour moi. Je ne sais pas comment je me suis débrouillé mais mon duvet est tout humide à l’intérieur et j’ai froid toute la nuit.
Le matin, comme d’habitude on attend le soleil avant de
bouger. Vers 8h30, ça me parait bizarre de ne toujours pas le voir et je sors
le nez de la tente : surprise, de gros nuages s’accumulent autour des
sommets. On avait oublié que ça pouvait exister les nuages ;-)
Tant pis pour le séchage des duvets, on remballe tout et on
file vers le camp de base. En faisant le trajet entre le Camp 2 et Camp 1, on
se demande comment on n’a pu faire cette trace à la montée sans péter un plomb
et abandonner ! La fin de la descente est dure dure. On est très fatigué
et la traversée de la moraine, si facile il y a 7 jours nous parait
interminable. On arrive vers 15h au Camp de Base, trop contents de retrouver
Kantcha Lama et les porteurs. Ils nous accueillent avec un festin comme on en
rêve depuis des heures, voire des jours : Frites digne de la Belgique,
Chowmein à faire pâlir les meilleurs restos de Katmandou … et Bière que Eve et
Pyt nous on fait monter depuis Kianjin Gompa pour fêter le sommet ! On
retrouve notre palace (notre tente 3 places avec des gros matelas !). La
nuit est très très bonne. On pensait se reposer une journée au CB avant de
descendre mais on préfère finalement filer sur Kianjin directement. On part
après un bon déjeuner et on arrive à la Norling Guest House à la nuit. Pour moi
la fatigue accumulée se fait bien sentir. On fête quand même tout ça avec 3
français bien sympas rencontrés dans la guest. Mais la soirée se finit tôt et
la nuit est bien réparatrice, enfin dans un vrai lit.
Le lendemain, j’insiste pour avoir enfin une journée de
repos. Rico n’est pas trop difficile à convaincre et on bulle toute la matinée
en buvant des cafés au soleil : du bonheur ! Et l’après-midi ben ce
sera sieste de 2h30 pour moi.
On redescend ensuite en 2 jours sur Syabru Besi. Tout ça
entrecoupé de véritables gueuletons : on a puisé dans nos réserves et on
est en mode rattrapage de poids ! On a réussi à avoir des news des 2
autres groupes (Béné, Jacques, Annie et Titouan d’un côté, Eve et Pyt de
l’autre). Tout le monde va bien et on va se retrouver à Katmandou tous ensemble
un peu plus tôt que prévu !
On retrouve d’ailleurs Eve et Pyt à Syabru Besi le 12 au
soir. On arrose comme il se doit les retrouvailles en compagnie des 3 français
rencontrés à Kianjin (Lili, Julien et Mathieu) avec qui on a fait les 2 jours
de trek de retour.
Malgré la grève générale du aux élections imminentes, Lhakpa
(responsable de Yak Expedition, notre agence de trek/expé) arrive à nous
organiser une jeep pour le lendemain et l’équipe s’est retrouvée au complet le
13 novembre au soir à l’hôtel à Katmandou !
Pour moi ça aura été une sacrée aventure que ces 7 jours
isolés à plus de 5000m. Même si le niveau technique de l’ascension était
raisonnable, j’ai bien senti l’engagement d’un séjour en groupe
« très » restreint à ces altitudes.
Merci Rico de m’avoir suivi jusqu’au bout.
Merci Eve et Pyt d’avoir osé vous lancer dans cette aventure et de m’avoir fait confiance. J’espère que ce n’était que le tout début de votre expérience alpinistique !
Merci Paulo pour les informations que j’ai pu trouver sur ton site sur ton ascension du Gurkarpo Ri.
Merci Eve et Pyt d’avoir osé vous lancer dans cette aventure et de m’avoir fait confiance. J’espère que ce n’était que le tout début de votre expérience alpinistique !
Merci Paulo pour les informations que j’ai pu trouver sur ton site sur ton ascension du Gurkarpo Ri.
Et enfin Merci Béné de t’être occupé de Titouan pendant ces
2 semaines ! Je n’aurai pas pu porter ses 12 ou 13 kgs en plus de mon
sac ;-)
Jérôme.
A suivre prochainement : le trek de Béné, Annie, Jacques et Titouan


Bravo Jé ! belle perf et surtout beau récit (j'ai même eu froid en le lisant) !
RépondreSupprimerBig-up aussi à Eve et Pyt qui avaient même pensé à monter des bières (on les reconnait bien là).
Des grosses biz de Cham
Sansan
Nous sommes pris de vertige en regardant les photos et avons le souffle court en lisant ton joli commentaire. Toute la famille est impressionnée par votre courage et votre sagesse.
RépondreSupprimerBravo à tout les 4
Sab&Jeroen
Rowan,Lieve&Sacha
Superbe ascension et une belle ambiance de cordee. Je suis tres content de savoir que mon site peut ainsi etre utile...
RépondreSupprimerAu plaisir d'une prochaine rencontre ici ou ailleurs.
Paulo Grobel_depuis Kathmandu
Merci pour ce récit qui réveil de beau souvenir. Notamment la nuit la plus froide au camp 4.
RépondreSupprimerMarc K.